Rencontre annuelle sur la dimension religieuse du dialogue interculturel du Conseil de l'Europe à Saint Marin (23-24 avril 2007) - Intervention de François Becker - Réseau Européen Eglises et Libertés

C’est en tant que co-secrétaire du réseau Européen Eglises et Libertés que j’interviens dans ce riche débat. Le réseau Européen Eglises et Libertés est une OING de conviction constituée à l’échelle européenne d’associations d’hommes et de femmes de convictions chrétiennes, en majorité catholiques. Je tiens tout d’abord à remercier le Gouvernement de St Marin pour son invitation à cette conférence, pour son accueil et pour avoir permis à des OING d’y participer et de s’y exprimer.

Mon intervention s’appuie sur le travail mené dans un groupe de réflexion européen constitué d’associations de convictions et de cultures chrétienne, musulmane, juive, humaniste, athée et agnostique. Ce groupe prépare un colloque qui aura lieu le 4 octobre 2007 au Conseil de l’Europe dans le cadre des activités des IONG sur le thème :« Cohésion sociale dans une Europe multiculturelle, rôle et impact des courants de pensée et des religions ».

J’aimerais aborder rapidement 4 points :

1) Il faut que le Conseil de l’Europe aille au-delà du dialogue interreligieux et de la dimension religieuse du dialogue interculturel pour prendre en compte les apports des courants de pensée non religieuse. Je propose donc de remplacer dialogue interreligieux par dialogue interconvictionnel et de prendre en compte la dimension convictionnelle du dialogue interculturel et pas uniquement sa dimension religieuse.

En effet, si les religions contribuent à la recherche de sens, à l’émergence de valeurs et à la vie spirituelle, elles ne sont pas les seules à le faire. Les organisations de convictions athée, humaniste ou agnostique contribuent, elles aussi à la mise en évidence de valeurs, à la recherche du sens et à la vie spirituelle. Aussi, pour développer la cohésion sociale en Europe, est-il essentiel de ne pas privilégier une approche plutôt qu’une autre. Il faut donc prendre en compte les apports des courants de pensée humaniste, athée ou agnostique et pas uniquement ceux des religions, d’où le vocable interconvictionnel.

2) On parle de communautés religieuses. Comment les définir ? Comment les choisir?

Les religions ne sont pas monolithiques et ne se réduisent pas aux religions monothéistes. Il est donc essentiel d’associer les courants traversant les religions (et les groupes humanistes, athées ou agnostiques). Le dialogue « intra-religieux » ou « intra-convictionnnel » est donc aussi important que le dialogue « interreligieux » et « interconvictionnel ». Si le temps me le permettait, je pourrais citer des exemples concrets, j’évoquerai simplement les différences importantes suivant les courants d’une religion donnée sur l’attitude vis-à-vis des femmes.

Pour prendre en compte ces courants, les OING de conviction partageant les objectifs du Conseil de l’Europe doivent être associées en tant que membre des Communautés religieuse à l’ensemble du processus et pas uniquement les hiérarchies de ces communautés. Les OING de conviction sont en effet constituées  D’hommes et de femmes à la fois parties prenantes de la société civile et porteurs de convictions muries et réfléchies dans le cadre de ces associations.

Elles constituent donc une interface privilégiée dans les rapports entre la société civile et des porteurs de convictions religieuses ou autres, notamment entre la base et les hiérarchies des Eglises.

3) Dialoguer comment ?

Nous sommes des citoyens et des citoyennes de convictions différentes. Pour permettre un « vivre ensemble », il faut :

- rechercher dans les religions et les courants de pensée ce qui est à vocation universelle et ce qui est lié aux cultures et aux contextes sociologiques et historiques dans lesquels ils ont été exprimés ;

- accepter la critique et l’interpellation, car ce n’est que dans le dialogue que chacun et chacune de nous se construit et que les expressions des convictions religieuses et philosophiques évoluent et s’affinent ;

- enraciner et prolonger le dialogue dans les actions concrètes, mettre en place une « diapraxis » interconvictionnelle ;

- aucune religion ou association de conviction ne doit s’approprier des valeurs reconnues universelles, même si elle en est à l’origine.

- aucune religion ou association de conviction ne doit imposer des valeurs qu’elle est seule à promouvoir.

Cela implique un processus d’ouverture et de désappropriation

4) Ne pas tronquer l’humanité de sa partie féminine dans le dialogue interculturel et dans l’analyse de sa dimension religieuse et convictionnelle. Les femmes ne sont bien souvent pas considérées comme égales aux hommes, particulièrement dans les religions, en violation des droits humains, reconnus comme valeurs essentielles. Une attention particulière doit être portée à cet aspect.

En conclusion,

Dans la proposition du Comité des Ministres de « Rencontres annuelles du Conseil de l’Europe sur la dimension religieuse du dialogue interculturel », je propose :

1) dans le titre, de remplacer « dimension religieuse » par « dimension convictionnelle »,

2) à propos des communautés religieuses, d’y inclure des OING de convictions religieuses comme il en est fait mention à propos de la société civile,

3) d’indiquer que les OING pourront aussi soumettre des thèmes au choix du Comité des Ministres.

Je vous remercie