Groupe international, interculturel et interconvictionnel (G3i)
Suggestions en vue de l’établissement d’une Charte européenne de l’interconvictionnalité ©
Qu’est-ce que le G3i ?
Le G3i, Groupe international, interculturel et interconvictionnel est un groupe de travail et de réflexion constitué en association de droit français (Loi de 1901). Il rassemble des hommes et des femmes de différentes nationalités, cultures, religions ou philosophies, désireux d’oeuvrer au développement de la société et de la citoyenneté européennes en promouvant l’approfondissement et la mise en oeuvre, à tous les niveaux, du concept novateur d’interconvictionnalité (voir son article Interconviction1).
Convaincu que l’interconvictionnalité contribue à rendre cohésive une société pluriculturelle et pluriconvictionnelle, le G3i milite pour l’émergence et le développement, au sein des diverses formes d’organisation des collectivités humaines européennes, d’espaces et de modalités opératoires de cette pratique. Il souligne ce qu’elle peut apporter aux divers aspects de vie sociale et politique.
Le G3i a ainsi contribué à sensibiliser au concept d’interconvictionnalité le Conseil de l’Europe, notamment lors de rencontres organisées, sous l’égide du Comité des Ministres, avec des responsables des religions et des courants de pensée européens.
Ayant expérimenté la faisabilité et la fécondité de l’approche interconvictionnelle, le G3i a participé, avec le soutien du Conseil de l’Europe, à la conception et l’organisation d’un programme de formation de formateurs à l’interconvictionnalité. Il a lui-même organisé, dans le cadre de ce Conseil, deux colloques :
« Cohésion sociale dans une Europe multiculturelle, rôle et impact des courants de pensée et des religions » (Éditions Publibook, Paris 2009),
« Devenir citoyens et citoyennes d’une Europe plurielle :Espaces et pratiques interconvictionnelles », (Éditions Publibook, Paris 2014).
François Becker
Président-fondateur du G3i Président d’honneur G3i, 68 rue de Babylone 75007 Paris France
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www.g3i.eu
Un projet mobilisateur pour le développement de l’Europe
L’une des caractéristiques de l’Europe est la diversité politique, sociale, linguistique et culturelle des peuples qui en constituent la trame. L’allègement des frontières internes du continent, le brassage de ses populations autochtones et l’intensification des mouvements migratoires contribuent de nos jours à la mettre fortement en lumière. Cette évolution s’accompagne de l’expression d’une multiplicité de « convictions » de toute nature : philosophiques, religieuses, politiques, sociales ou culturelles. Obtenir une pleine adhésion des citoyens aux institutions officielles, délégataires des pouvoirs décisionnels, implique qu’on reconnaisse la légitimité de ces différences et qu’on leur donne la possibilité de s’exprimer.
Aux fins de favoriser l’association des citoyens à ses travaux, le Conseil de l’Europe a créé, un an après sa fondation, une Conférence des Organisations Internationales Non Gouvernementales (OING), promue en 2003 du « statut de consultante » à celui de « statut participatif ». Différentes associations ou fédérations d’associations, comme le Forum civique européen, oeuvrent elles aussi à l’organisation de telles coopérations. S’agissant de l’Union européenne, ses conditions actuelles de fonctionnement font encore, de ce point de vue, l’objet de multiples interrogations. Même si les Traités de Lisbonne de 2009 « donnent, par les voies appropriées, aux citoyens et aux associations représentatives la possibilité de faire connaître et d’échanger publiquement leurs opinions dans tous les domaines d’action de l’Union »1, l’Union n’organise pas de contacts « réguliers »2 avec toutes les familles de convictions dans la conduite des affaires européennes.
De surcroît, si la Convention de 1950, fondatrice du Conseil de l’Europe, et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de 2000 reconnaissent l’importance des convictions et précisent les conditions de leur expression, elles ne disent rien sur la façon de prendre conjointement en compte leur diversité.
Le G3i suggère dès lors que le Conseil de l’Europe et l’Union Européenne inscrivent comme l’un de leurs projets majeurs le recours au concept d’interconvictionnalité, en d’autres termes à la reconnaissance simultanée de la diversité des convictions, de leurs apports réciproques potentiels, de la possibilité de dépasser leurs divergences de finalités pour agir en commun.
Une Charte européenne de l’interconvictionnalité pourrait être le support à la fois théorique et à visée opérationnelle de ce concept. On en trouvera ci-après une esquisse. Il conviendrait, une fois cette Charte rédigée puis ratifiée, que chaque institu tion concernée soit invitée à la mettre en oeuvre.
Une telle mise en oeuvre impliquerait une formation spécifique, facilitée par la rédaction d’un guide des bonnes pratiques en la matière.
Motivations formelles du projet de Charte
Considérant que l’ensemble des êtres humains constitue une unité générique dotée d’une extrême pluralité dans ses modalités d’existence et d’échanges,
Considérant que l’histoire de l’espèce humaine, sans doute depuis ses origines, témoigne de multiples formes de solidarité mais aussi de conflits dont la violence peut avoir, de nos jours, la capacité de conduire à l’extinction de l’espèce, voire de toute vie sur terre,
Constatant que, face à ces risques, les nations se sont dotées d’instruments juridiques internationaux réaffirmant l’égale dignité de tous les membres de la famille humaine, visant à assurer leur égalité en droits civiques, sociaux et culturels, individuels et collectifs, le respect des libertés fondamentales, et à favoriser le progrès social et la paix dans le monde,
Rappelant que, dans cet esprit, la Charte des Nations Unies de 1945 proclame dans son préambule que « les peuples des Nations Unies sont résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre, à pratiquer la tolérance, à vivre en paix les uns avec les autres dans un esprit de bon voisinage »,
Rappelant que la Déclaration Universelle des droits de l’Homme de 1948 dispose, dans ses articles 18 et 19 que : a) « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, ce qui implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites » ; et que : b) « tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit »,
Rappelant que la Convention européenne des droits de l’homme de 1950, dans son article 9, et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de 2000, dans son article 10, s’expriment de façon analogue au sujet de « la liberté de pensée, de conscience et de religion »,
Rappelant que la Déclaration Universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle du 2 nov. 2001 affirme que : « La culture doit être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social et qu’elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ». Et aussi que : « La culture se trouve au coeur des débats contemporains sur l’identité, la cohésion sociale et le développement d’une économie fondée sur le savoir », et encore que « le respect de la diversité des cultures, la tolérance, le dialogue et la coopération, dans un climat de confiance et de compréhension mutuelles sont un des meilleurs gages de la paix et de la sécurité internationales ».
Constatant enfin que, si les relations internationales ont été organisées par de nombreuses chartes, traités ou pactes, si la coopération et les dialogues interculturels ont aussi fait l’objet de multiples conventions ou directives internationales, les relations interconvictionnelles entre personnes ou communautés, ayant des convictions diversifiées n’ont jamais fait l’objet de dispositifs juridiques ou d’institutions destinées à les expliciter, à en préciser le rôle et les objectifs, à en déterminer les formes et à les organiser aux divers niveaux où elles sont pourtant indispensables,
Le G3i suggère, pour pallier cette carence, que soit rédigée et mise en oeuvre une Charte européenne de l’interconvictionnalité dont les dispositions, applicables aux États et aux peuples de l’Europe, pourraient s’inspirer des éléments qui suivent.
Le projet de Charte
Titre I : Des convictions
Art.1. Traiter de l’interconvictionnalité, comme le fait la présente charte, permet aussi et d’abord d’approfondir ce qu’on peut entendre par conviction. En première approximation, une conviction est un assentiment personnel de l’esprit tout entier : raison, volonté et sentiment. Sa signification et son intensité se différencient selon qu’elle est de nature philosophique, religieuse, politique, sociale ou culturelle. Ce qui la distingue d’une simple opinion ou d’un préjugé c’est qu’elle ne s’élabore que de façon réflexive dans chacun de ses domaines d’expression et notamment qu’elle ne s’affirme qu’au travers de sa confrontation, explicite ou implicite, avec d’autres convictions.
Art.2. Les convictions personnelles sont des composantes essentielles de la liberté de pensée et de la liberté de conscience.
Art.3. Toute personne a le droit inaliénable d’avoir des convictions dans les domaines de son choix et, le cas échéant, d’en faire état ou d’en changer.
Art.4. Aucune conviction ne saurait être imposée comme une vérité qu’on ne puisse contredire.
Art.5. Les convictions personnelles résultent d’une multiplicité de facteurs, constitutifs de la diversité humaine. Certains de ces facteurs, au premier rang desquels l’éducation, ont vocation à être émancipateurs. D’autres sont porteurs de risques d’enfermement et d’intolérance, voire de violences à l’égard de ceux qui ne partagent pas les mêmes convictions.
Art.6. Une conviction personnelle peut être acquise, intériorisée ou exprimée à divers degrés d’engagement et d’intensité, ce qui lui confère des potentialités d’évolution et rend praticables des compromis
différenciés.
Art.7. Des communautés peuvent librement se constituer sur la base de convictions partagées dès lors qu’elles respectent les droits humains et en particulier qu’elles adoptent des règles de coexistence non violente avec les tenants d’autres convictions.
Titre II : Échanges interconvictionnels et identité personnelle
Art.8. Tout au long de l’existence les convictions personnelles se constituent et s’éprouvent dans une confrontation avec d’autres convictions.
Art.9. L’École est le premier lieu de la prise de conscience de la diversité des convictions, des réflexions qu’elle suscite et de l’apprentissage du dialogue interconvictionnel.
Art.10. Deux attitudes peuvent être adoptées vis-à-vis de l’existence de la diversité des convictions : les considérer comme des obstacles à la pérennité des identités personnelles ou au contraire comme des facteurs contribuant à leur permettre d’évoluer et de s’enrichir au contact des autres. La première attitude tend à conduire à un repli identitaire et expose à un risque de rejet, le cas échéant violent, de l’autre. La seconde attitude, celle qui doit être adoptée, implique de reconnaître non seulement l’égale dignité et l’égalité en droits de tous les êtres humains, mais aussi leurs apports potentiels aux autres du fait même de leurs différences.
Art.11. La pratique de l’échange interconvictionnel, notamment par des débats « non conclusifs », offre la chance de mieux se connaître et de mieux connaître les autres en même temps qu’elle avive le désir d’être reconnu par eux jusque dans nos convictions les plus profondes. Elle conduit ainsi à une nécessaire reconnaissance mutuelle.
Titre III : Débats interconvictionnels et vie collective
Art.12. La diversité des convictions au sein d’une société implique, à l’échelle collective, l’existence d’échanges interconvictionnels qui renforcent la compréhension mutuelle et qui permettent d’aboutir à des actions communes ou tout au moins acceptées même si elles suscitent des réserves.
Art.13. Les pratiques interconvictionnelles sont le fondement de l’exercice responsable des libertés. Elles contribuent à gérer les conflits de façon non violente.
Art.14. Les pratiques interconvictionnelles ont vocation à structurer ou à faire progresser le fonctionnement des organisations collectives, privées ou publiques, dont celui des réseaux associatifs de la société civile et des organisations non gouvernementales.
Art.15. Les pratiques, les espaces et les structures interconvictionnels sont le support de la participation régulière des citoyens à la vie politique, sociale et culturelle de la cité, à la genèse et au contrôle des décisions prises par les instances qu’ils ont déléguées pour ce faire aux divers niveaux de l’organisation politique de la société.
Art.16. C’est en particulier dans l’élaboration des politiques locales et régionales que les pratiques interconvictionnelles manifestent leur utilité, voire leur nécessité : elles garantissent les meilleures chances d’équité et d’efficacité. La délibération citoyenne,à l’échelon requis, est une composante de toute gouvernance démocratique.
Art.17. Les débats interconvictionnels n’ont pas vocation à remettre en question l’organisation délégataire des pouvoirs politiques décisionnels : ils interviennent légitimement en amont des décisions prises par les instances qui ont pour mission de les arrêter au nom des citoyens puis dans le suivi de leur mise en oeuvre.
1 Art. 11 du Traité de l’Union européenne.
2 Art.17 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne.