L’Europe est un continent façonné par une histoire multimillénaire. Son héritage de peuples, de cultures, de religions, et de philosophies est d’une grande diversité. Les violences du XXème siècle ont suscité la volonté d’y créer les conditions d’une paix durable. Aujourd’hui, les populations vivant en Europe sont de plus en plus diversifiées, notamment en termes de visions du monde.  

Dans ce contexte, pour permettre de vivre ensemble en paix avec toute la diversité présente en Europe et revivifier l’engagement citoyen vis à vis de l’Europe nous appelons celles et ceux qui s’engagent à assumer des responsabilités à l’Union Européenne à mettre en place une approche « interconvictionnelle ».

 Une telle approche, s’inscrivant dans le cadre des droits de l’Homme et de la démocratie,  consiste à organiser un dialogue constructif entre les porteurs de visions du monde fondées sur des convictions diverses (croyances, religions, athéisme, agnosticisme...). La démarche interconvictionnelle conduit chacun des acteurs à chercher, dans leur reconnaissance mutuelle, à s’enrichir des points de vue des uns et des autres exprimés en toute liberté et sans volonté d’hégémonie.

Nous sommes convaincus que des consultations séparées risquent d’aggraver les dissensions et d’engendrer des conflits.

La reconnaissance et la proclamation solennelle du respect du principe d’interconvictionnalité permettrait de répondre à ces tensions. C’est pour cette raison que le G3i appelle les institutions européennes à instituer des espaces structurés de consultation et de dialogue interconvictionnels, au sein des articles 11 du TUE et 17 du TFUE, à  faciliter la mise en place d’une démocratie participative, articulée de façon constructive avec la démocratie représentative et cela en soutenant l’éducation à la citoyenneté responsable et la formation interconvictionnelle.

Les institutions européennes contribueraient ainsi à redonner, comme le souhaitait Jacques Delors,  une âme à l’Europe.

L’Europe, chargée d’expériences tragiques et surmontant les conflits dont elle a souffert est en train de se construire. Cette construction s’est initiée dans une aspiration démocratique. Pour être fidèle à cette aspiration, l’Europe ne peut donc se bâtir que dans les formes et les institutions de la démocratie. Cette aspiration à la démocratie dans l’ensemble des populations, en conjonction avec le processus de sécularisation, permettent l’émergence d’une laïcité de plus en plus acceptée par tous les pays de l’Europe. Cette laïcité se met et en place dans un cadre normatif constitué de trois piliers essentiels : la démocratie, l’état de droit et les droits de l’Homme (Le terme le plus approprié en français devrait être droits des êtres humains, car les droits de l’Homme incluent tous les êtres humains et donc les femmes. Mais ce vocable n’est pas utilisé internationalement), explicités dans la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ( cf. : http://conventions.coe.int/Treaty/fr/treaties/html/005.htm) du Conseil de l’Europe, dans la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne ( cf. http://www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf
) , droits de l’Homme repris dans la Charte internationale des droits de l'Homme[1]et confirmés en 1993 dans la Déclaration de Vienne ( cf. http://www.unhchr.ch/huridocda/huridoca.nsf/(Symbol)/A.CONF.157.23.Fr
) de l’ONU. Ces droits sont complétés en Europe par la charte sociale européenne ( cf. http://www.conventions.coe.int/Treaty/Commun/QueVoulezVous.asp?NT=163&CM=1&DF=6/13/2008&CL=FRE).

Or l’Europe et le monde qui l’entoure subissent de profondes mutations qui provoquent de fortes « turbulences » sur ces trois piliers. De plus en plus dépendante des autres pays du monde, l’Europe est en effet devenue de plus en plus multiculturelle, multi-religieuse et multi- convictionnelle (immigration importante, délocalisations, internet...), ce qui modifie les conditions de la cohésion sociale.

Interpellant ainsi la société dans ce qui la fonde, ainsi que les personnes dans leur être profond et leurs convictions, les crises que nous vivons ne sont pas simplement sociales, économiques et financières, mais aussi culturelles, philosophiques et spirituelles. Elles induisent de profonds changements chez les personnes (désenchantement, déstructuration, disparition des certitudes, perte de repères et d’identité, manque de fiabilité de la projection sur l’avenir...) et aussi dans la société, et particulièrement dans les attitudes religieuses et convictionnelles qui nous intéressent aujourd’hui, notamment par la montée en puissance des intégrismes religieux et identitaires (par exemple accroissement des femmes portant le voile islamique et même la burqa). La mondialisation ayant, en effet, tendance à produire une « standardisation » (individus standards), provoque un déracinement culturel et souvent religieux qui peut conduire à une réaction identitaire de renfermement et à l’intégrisme. Face à la sécularisation et au développement de la pluralité religieuse, on assiste ainsi à des revendications spécifiques à une religion qui risquent de faire naître un rapport de force pouvant conduire à une altération du droit international, notamment à propos de la liberté de conscience, de la liberté de pensée, de la liberté d’expression, de l’égalité/parité femme-homme, et à la discrimination à l’encontre de l’orientation sexuelle.

Ces changements, provoquent ainsi des remises en cause qui concernent à la fois les religions, les courants de pensée et la politique, d’où la nécessité du dialogue entre les religions, et entre les religions, les courants de pensée et les états, comme le prône le Conseil de l’Europe dans Livre Blanc du Dialogue Interculturel ( cf. http://www.coe.int/t/dg4/intercultural/source/white%20paper_final_revised_fr.pdf ) qu’il vient de publier.

On assiste ainsi à un retour des religions (en fait bien souvent à un recours aux religions), car pour les croyants, la religion fait sens selon les trois significations de ce terme :

  1. le sens comme signification et interprétation
  2. le sens comme direction, orientation et perspective dégageant un horizon
  3. le sens comme sensation, sensibilité, ce qui explique qu’il y a des sensibilités différentes.

Compte tenu de ces diversités grandissantes, quelles valeurs partager, quelles attitudes adopter, comment s’organiser pour que chaque personne habitant en Europe puisse donner sens à sa vie, y vivre en plénitude, s’y épanouir et accomplir librement son destin ?